Portraits de Samira El Alaoui

Samira El Alaoui

Construire du lien pour reconstruire des vies.

Samira El Alaoui incarne l’engagement social au quotidien. À la tête des Enfants du Canal, elle lutte sans relâche contre l’exclusion et le sans-abrisme à Paris, transformant des vies grâce à une approche humaine et innovante

Les racines de son engagement

Née dans une ville dans la Sarthe, élevée par ses grands-parents dans le milieu ouvrier, Samira a appris les valeurs de solidarité, d’entraide, de partage dès sa petite enfance. Les engagements de sa famille l’ont forgée : aux Éclaireurs de France, au sein d’un collectif d’éducation populaire, lors de camps…

Un engagement précoce. Dès 10 ans, Samira s’engage : elle lave les voitures pour financer l’envoi de camions humanitaires pour Solidarność. Prémisse d’une vie de combats pour les plus fragiles.

Formations et 1e responsabilités. Samira poursuit ses études logiquement dans le secteur social. Diplômée du BEATEP (Brevet d’État d’Animateur Technicien de l’Éducation Populaire et de la jeunesse) puis du DEFA (Diplôme d’Etat relatif aux Fonctions d’Animation), elle entame sa carrière en dirigeant une maison de quartier dans le Maine et Loire.

Engagement politique. Représentant la société civile au sein de la liste d’union de la gauche écologiste, elle sera élue conseillère régionale en 2010 en charge de la politique du livre et de la lecture au sein de la commission culture, sports, jeunesse, citoyenneté et éducation populaire du conseil régional des pays de la Loire.

A l’issue d’un mandat de 6 ans, riche de cette expérience, mais Insuffisamment satisfaite du monde politique, Samira retourne vers le monde associatif.

Formation continue. Toujours curieuse et volontaire, Samira n’a jamais cessé de se former, pour enrichir ses pratiques et élargir ses horizons.

En 2008, Samira obtient un Master pro en communication, management et gestion de projet (CMGP). En 2018, elle empoche un Diplôme Universitaire en prévention des risques psycho sociaux. Puis en 2023, un Diplôme Universitaire en Rétablissement en santé mentale, accompagnement et soins, de la précarité à l’inclusion sociale. 

Ces formations lui permettent de sortir de son quotidien, de faire travailler ses neurones, d’appréhender d’autres manières de faire, de rencontrer des personnes d’autres environnement, de ne pas rester dans sa bulle. On sent son besoin de connexion, sa curiosité et son besoin de se renforcer pour ses combats.

Un parcours forgé par l'action et des résultats

Découverte de la grande précarité. Arrivée à Paris en 2016, Samira prend le poste de DG de l’association AutreMonde. C’est là que Samira découvre la grande précarité à Paris. Elle manage 10 salariés et 350 bénévoles.

Quelques années après, Samira rejoint Les Enfants du Canal : cette nouvelle mission augmente ses responsabilités. Aujourd’hui Samira encadre 65 salariés sur 4 sites en Région Parisienne.

Ses fiertés. N’avoir eu aucun conflit salarial, malgré des situations compliquées et plusieurs années pour redresser la situation des Enfants Du Canal. « Ce que j’ai pu insuffler dans cette période a permis de rassurer tout le monde alors qu’il y avait beaucoup de souffrance. Nous avons réussi tous ensemble à traverser des périodes de challenge. » Nos métiers dans le social ont beaucoup de sens, c’est ce qui la stimule.

Amélioration de l’accompagnement. Alors qu’avant le travailleur social décidait presque à la place de la personne ce qui était bon pour elle, les pratiques l’accompagnement évoluent. « On arrive de mieux en mieux à suspendre notre jugement et nos propres projections. Aujourd’hui les équipes sont formées à l’approche rétablissement, la personne a une place, exprime ses besoins, on ne décide pas pour elle, on ne projette pas nos désirs dans ses objectifs. C’est une révolution dans les pratiques ! » Reste à convaincre le monde institutionnel qui attend des résultats en quelques mois alors qu’on ne peut pas définir la temporalité et que l’accompagnement s’inscrit dans le temps long : nos publics, les pathologies liées au parcours de vie à la rue (troubles psy, addictions, pathologies chroniques,…).

Accompagnement de ses équipes. Samira a beaucoup travaillé sur les risques psycho-sociaux : elle les considère comme un des fléaux de notre beau secteur associatif. Et c’est vrai que les équipes peuvent rapidement s’épuiser à la tâche. Pour lutter contre ce fléau, Samira a lancé une réflexion en interne pour impulser plusieurs évolutions dans l’organisation et les pratiques d’accompagnement :

  • Large autonomie des équipes
  • Objectifs fixés collectivement et individuellement
  • Entretiens annuels avec objectifs identifiés par le collaborateur
  • Travail sur la réflexivité plutôt que sur l’injonction : pas ce que tu dois faire mais comment tu te vois dans cette action, pour que chacun puisse évoluer de sa propre analyse de ses pratiques avec le soutien des pairs
  • Formations sur l’accompagnement aux pratiques professionnelles

Ces évolutions ont aussi pour objectif de davantage soutenir les travailleurs sociaux dans leur métier difficile et insuffisamment valorisé.

Et son approche, fondée sur la « symétrie des attentions », vise autant le respect des salariés que celui des personnes accompagnées.

Un leadership humain et fédérateur

Fondamentaux. Garder le lien, les relations. « On dit de moi que je sais fédérer et rassembler. »

« Je suis quelqu’un de déterminé, je ne lâche rien. » Samira aime finir ce qu’elle commence : elle aime comprendre et aller jusqu’au bout. Et c’est bien utile : dans nos métiers où nous sommes très souvent en négociations, il est indispensable de rester très très mobilisés.

Transparence et cohésion. Samira est aussi surnommée « nerfs d’acier » : parce qu’il est difficile de la déstabiliser. Stress, situations complexes : elle les gère dans la sérénité, pour elle-même et pour ses équipes. D’ailleurs, dans les phases critiques : Samira est transparente pour les salariés, ce qui rassure ses équipes. 

Management participatif. Tous les ans, Samira requestionne le CA sur ses objectifs. Pour renouveler son contrat moral avec cette association. Cela lui permet aussi de construire sa feuille de route chaque année. Comme tout dirigeant de structure, Samira confirme collectivement son alignement, ses objectifs et ses moyens de mises en œuvre. Parce que, comme tout lieu de vie et tout lieu engagé, Les Enfants Du Canal est une association où on débat, on échange, parfois on s’engueule : la gouvernance partagée permet une parole libre, et ça s’exprime parfois avec émotions… On devine 🙂

Une vision assumée et alignée

Alignement avec les valeurs. Samira est heureuse. Elle fait le métier qui lui plait, dans une association où elle est en complète adéquation, en valeurs et en manières de faire. Et Samira en est consciente : elle vit cette période comme la consécration d’un parcours, elle ne voit pas quoi demander de plus. Elle se sent à sa place : « Je suis bien comme je suis. Je ne savais pas que c’était possible d’être autant alignée avec un projet, c’est magnifique. »

Accompagnement des équipes. Samira aime l’accompagnement des équipes, même si c’est très compliqué. Elle est en contact avec tout le monde assez régulièrement, son bureau au milieu des équipes et elle se déplace au moins 1 fois / mois dans chaque site. Elle voit les personnes accompagnées quand il y a des difficultés à résoudre ou lors d’événements festifs. Samira est également d’astreinte téléphonique régulièrement (soir ou we) pour aider en cas d’urgence.

Engagement social concret. Même si elle a un engagement social, Samira est consciente qu’elle ne fait pas du social. Elle n’est pas formée dans le travail social et laisse faire les professionnels.

Elle porte le message ce que l’association défend. Et ça se traduit par : du management, de l’organisation, des partenariats, de la gestion, du développement de projets. Parce que le lien est très important aussi pour elle, Samira prend des temps de partages : avec des collectifs d’associations pour le logement et au sein de la Fédération des Acteurs de la Solidarité notamment.

Objectifs et projets futurs

Mission. Samira veut changer le monde. Et pour ça, participer à l’évolution des situations des personnes que EDC accompagne et à l’amélioration de travail de ses équipes.

Joies. Quand un salarié trouve du travail, il est transformé et heureux. Chaque attribution de logement pour une famille qui a galéré après un parcours migratoire et des difficultés administratives, chaque fois qu’un ménage arrive à atteindre son objectif… c’est la consécration pour Samira et ses équipes. Chaque victoire est savourée tous ensemble.

Combats.  Les réponses de l’état en matière de logement sont totalement inadaptées aux besoins identifiés : encore 100 000 personnes qui attendent d’être relogées alors qu’elles sont reconnues prioritaires, 330 000 personnes à la rue dont 2 000 enfants sans solution d’hébergement en appelant le 115. Les prises en charges ne sont pas adaptées (trop peu de structures médico-sociales).

Difficultés aussi pour les personnes qui attendent un titre de séjour (process bloqué par une absence de rdv à la préfecture) : la dynamique d’intégration est cassée et ce trou recrée des ruptures dans les parcours d’intégration.

Les Enfants du Canal

Objet social

Lutte contre les fléaux sociaux que sont le sans-abrisme, l’exclusion, la précarité et le mal-logement. Notamment pas l’accueil, l’hébergement et l’insertion. Le public rencontré et accueilli le sera de manière inconditionnelle et sans discrimination aucune

Raison d'être

EDC fait du « aller vers » sans dons : des maraudes à mains nues. L’objectif est de créer un lien de confiance pour que la personne puisse construire son projet, que la relation ne soit pas faussée par le don. Cette relation sans don favorise l’expression des besoins vrais, mais cela demande du temps. Malheureusement, ce temps n’est pas toujours compris par les institutions, même si on avance (plan de logement d’abord 2).

Nous construisons avec les personnes concernées des réponses concrètes afin qu’elles puisse exercer leurs droits et qu’elles vivent dignement, en nous appuyant sur leur liberté de choix, leur pouvoir d’agir et leurs expériences.  

Cette raison d’être est ré-exprimée avec les coordinateurs et le Conseil d’Administration, puis présenté à toutes les équipes pour qu’elles la déclinent sur leurs objectifs, en alignement. Ce travail commun oblige à ré-étudier les pratiques, derrière le coté urgence, pour se poser en équipe. Dans une activité aussi intense avec un public autant précaire, ce travail de fond semble nécessaire pour éviter la perte de sens devant les urgences, pour réaligner les équipes sur le projet de l’association.

Quelques chiffres

Accès au logement, accompagnement social (insertion, scolarité, mieux habiter, pouvoir d’agir, vie sociale), sur 2024 :

  • 347 personnes hébergées
  • 86 487 nuitées
  • 1 107 maraudes
  • 5 286 rencontres en maraudes
  • 114 ménages ayant accédé à un logement
  • Budget annuel : 5,13 M€
  • Salariés : 97 dont 27 en insertion
  • Profils des bénéficiaires de l’association : personnes isolées avec longue errance, familles logées après séjour en hôtels sociaux, familles, roms qui ont vécu en bidonvilles, ménages prioritaires DALO

Projets

Le contexte financier est extrêmement tendu. Comme toutes les associations et le monde de la solidarité, l’association Les Enfants Du Canal manque de visibilité sur les moyens que lui attribuera l’État pour pouvoir fonctionner, Elle reste prudente sur le développement de futures actions.

Néanmoins, des projets sont déjà lancés :

  • Projet de pension de familles : 28 personnes accueillies à partir de 2026.
  • Projet expérimental avec 15 logements mis à leurs dispositions pour accompagner sorties de rues identifiées comme avec très long parcours de vie à la rue et besoins d’accompagnements importants. Volonté de pérenniser le projet avec changement d’échelle pour 100 logements.
  • Objectif : arriver à faire reconnaitre le besoin de pluri-disciplinarité pour avoir des postes conventionnés sur le volet médico-social (médiateur santé, psy, infirmier…) via l’ARS. Pour ne pas que cela Impacte le principe d’accueil inconditionnel et que l’association soit obligée de sélectionner ou prioriser les publics.

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